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Ecoféminisme et écologie menstruelle, même combat ?

Temps de lecture : 11 minutes

Auteure : Eloïse Bouilloud (Moonlikate)

Eloïse, créatrice de Moonlikate et co-fondatrice de l’EcoFémina Festival, nous explique le rapport entre l’écologie menstruelle et l’écoféminisme. Article original sur Moonlikate.com

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C’est quoi le rapport entre l’écologie menstruelle et l’écoféminisme ?

Attends , je vais te mettre dans l’ambiance et tu vas comprendre où je veux en venir.

Être une femme aujourd’hui.

(Pour cet exemple, femme cis, occidentale, et encore nous sommes « privilégiées » par rapport à d’autres !)

C’est être féministe, sans l’afficher, parce que ça fait mauvais genre et te colle une étiquette de « militante extrême » ou de « feminazi ».

Alors que je le rappelle, être féministe c’est demander l’égalité des sexes aux niveaux des droits, devoirs, salaires et privilèges, et lutter contre le patriarcat et sa toxicité (cf le livre « Le coût de la virilité » de Lucile Peytavin).

Pas lutter contre les hommes. Ni que les femmes dominent le monde.

Être une femme c’est devoir faire doublement (ou plus) ses preuves dans sa carrière professionnelle pour espérer réussir…
Alors que certains hommes qui réussissent mieux, ne valent même pas le tiers des qualités professionnelles des femmes.

« La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente » Françoise Giroud, 1983.

Être une femme c’est devoir se faire des nœuds au cerveau chaque mois pour choisir ses protections menstruelles.

➡️ Lavables et réutilisables, elles sont meilleures pour la planète, car elles réduisent les déchets plastiques et polluants et sont plus safe pour notre corps, car souvent bios et avec moins de matières toxiques et de perturbateurs endocriniens…

Mais elles ont un coût à l’achat, que beaucoup ne peuvent pas se permettre, même si à long terme c’est un meilleur investissement. On ne peut dire à nos règles 🩸de se mettre en pause 5 mois, le temps d’économiser pour s’acheter une culotte menstruelle à 40€.
C’est aussi avoir le luxe d’en acheter plusieurs, puisque nos règles durent plusieurs jours et qu’il faut se changer plusieurs fois.

Et bien sûr avoir accès à un point d’eau pour les pré-rincer et ensuite une machine à laver.

➡️ Prendre des protections menstruelles jetables bios et vendre un rein également pour se les payer. Sérieusement 6€ pour 8 serviettes 😑 Sachant qu’on en utilise au moins une douzaine par cycle…

➡️ Opter pour des protections menstruelles jetables non bios, et savoir en conscience (ou pas, puisque les industriels continuent de masquer la liste des composants) qu’on met des produits toxiques et bourrés de perturbateurs endocriniens au contact de nos muqueuses, au risque de développer des maladies et infections à long terme.

➡️ C’est subir pour certaines la précarité menstruelle et devoir choisir entre un paquet de pâtes ou un paquet de tampons pollués et cancérigènes. Ou ne pas se changer suffisamment et risquer des infections ou un choc toxique.

Depuis 2021, le chiffre a doublé, en passant à 4 millions début 2023, mais il n’a dû cesser de croître avec l’inflation…

D’ailleurs nous organisons une collecte menstruelle avec l’association Règles Elémentaires qui sera présente au festival.

« Le mouvement féministe, en montrant que l’intime est politique, a fait entrer le corps dans le débat public. Du goudron dans nos tampons jusqu’aux impacts de la pollution sur notre fertilité, nos droits reproductifs sont mis en danger et c’est notre expérience sensible, celle de nos corps meurtris, qui est un levier d’action pour la mutation écologique. En devenant féministe, l’écologie nous fait gagner en libertés« 

« Le féminisme pour sauver la planète » de Charlotte Soulary.

Être une femme c’est également avoir cette pression permanente de fonder une famille, parce que Tic Tac 🕓 ça tourne. Même si on a d’autres ambitions.

Comme l’a souvent évoqué Françoise D’Eaubonne, avec le système actuel, c’est la destinée attendue de toutes les femmes. Peu importent les origines, le milieu social, l’éducation…

La société et la famille attendront inconsciemment ou pas, qu’une femme devient mère, pour l’héritage familial et génétique, pour faire plaisir aux grands-parents, pour produire la future main-d’œuvre et un futur consommateur (et potentiellement un nouveau destructeur de la planète).

« Toute femme qui naît en ce moment, dans n’importe quelle culture et dans n’importe quelle classe de la société, est du fait de son anatomie (absence de phallus) destinée avant tout autre rôle, toute autre possibilité, tout autre projet, à devenir la compagne d’un mâle et à reproduire l’espèce. Telle est la ressemblance fondamentale entre la sauvage de l’Oubangui, la fille du PDG américain ou européen, l’enfant de kolkhoziens ou la petite israélienne de Kibboutz, la dernière née de l’ouvrier de chez Simca, l’héritière d’un couple de hippies ou la rejetonne d’une paysanne du Cotentin.  » Françoise D’Eaubonne, « Le Féminisme ou la mort », 1974.

Le ventre des femmes ne leur appartient pas.

Être une femme, c’est vouloir faire carrière, mais recevoir des bâtons dans les roues parce que nous avons un utérus.

➡️ Risque de douleurs menstruelles handicapantes, et développer des maladies telles que l’endométriose ou SOPK.

➡️ Potentielle grossesse et tout ce que cela implique (ivg, fausse couche, frein dans la carrière, post-partum, congé maternité, garde des enfants, charge mentale décuplée…).

➡️ Ménopause, et tous les symptômes de mal-être et désagréments.

Être une femme c’est réfléchir en permanence à nos tenues et l’image qu’on renvoie.

Nos vêtements sont une armure pour nous protéger, pour nous démarquer, et l’image qu’on renvoie aux yeux du monde.

En tant que femme, nous sommes d’autant plus jugées sur notre apparence que sur notre discour ou nos actes (cf La fameuse robe de Cécile Duflot, et dont Marie-Charlotte Garin s’est brillament emparée pour faire son entrée à l’Assemblée Nationnale, cette Queen sera présente à l’Ecofémina !).

Pas trop court pour ne pas « faire mauvais genre ».

Pas trop guindé pour ne pas paraître « coincée ».

Pas trop coloré sinon ce n’est pas sérieux.

Est-ce qu’avec cette robe/jupe ou ce décolleté, ça ne donnera pas une mauvaise image de moi ?

Les porter quand même et se sentir comme un bout de viande sous les regards masculins.

À quelle heure et comment je rentre ce soir ? N’est-ce pas dangereux d’être habillée comme ça ?

C’est avoir ces diktats de la mode (et de la fast-fashion) qui nous poussent en permanence à consommer et avoir une garde-robe dernier cri.

Mais dans quelles conditions ?

Entre la crise écologique, qui se fait de plus en plus sentir, et tue des millions de personnes/animaux/faune et flore.

RIP également à l’automne pluvieux qui est censé remplir les nappes phréatiques.

La mode est la 2ème cause la plus polluante au monde.

On ne peut plus continuer comme on le fait, de piller la nature pour ses ressources qui se raréfient, (sur)produire, (sur)consommer, polluer les terres agricoles et l’eau des fleuves et océans, on ne peut plus cautionner et être complices des malades et morts de ces pays dû à la pollution. On ne peut plus continuer à rejeter nos déchets vestimentaires impunément (bien souvent exporter dans des pays d’Afrique, pour ne pas s’encombrer et polluer nos précieuses terres européennes).

Sans parler des enjeux sociaux et des conditions de travail, entre les camps Ouïghours et l’esclavage moderne des ouvriers dans les pays émergents et en Europe ! Oui même en Angleterre, des ateliers exploitent la misère humaine.

Les enjeux écologiques et sociaux sont entrés dans le débat public. On ne peut plus et on ne doit plus fermer les yeux.

Si nous sommes un tant soit peu écoféministe, on ne peut plus tolérer ces conditions de traitement pour d’autres femmes et minorités et la destruction de la planète.

Sujet également exploré lors de la table ronde sur « Le vêtement comme armure politique » lors de l’Ecofémina festival. Animée par Eloïse Bouilloud, aux côtés de Claire Suco, fondatrice de la marque Meuf, Déborah Lopès du compte Instagram Jemerecycle, de Benjamin Lenoir de la marque Coton Vert et de Léa Dugand, ambassadrice de la marque 1083. 

Être une femme c’est de nous dire en permanence de faire des économies et d’investir…

Mais c’est omettre de parler des inégalités de salaires, du coût menstruel, de la taxe rose et de tous ces diktats de mode, de beauté et de minceur qui impactent notre budget. Sans parler des mères célibataires qui doivent tout gérer seules…

Être une femme c’est de sortir de chez soi, en sachant qu’on prend le risque de se faire harceler /attaquer /v*oler.

Et savoir que les agresseurs seront en majorité impunis, et que la société fera porter la culpabilité sur la victime à cause de sa tenue ou son comportement et qu’en plus elle a « détruit des carrières ou des vies », si elles osent parler . 🤮

Mais les traumas psychologiques et corporels causés par ces agressions envers elles, sont minimisés ou ignorés !

Lors de l’Ecofémina festival il y aura également une table ronde sur « Comment se réapproprier son corps après les violences sexistes et sex*elles ? » Animée par Baovolat Fidison-Dirat et Emilie. P, avec comme invitées, Charlène Servanton de l’association Nous Toutes Rhône qui lutte contre les VSS, Morgane Mandaroux membre de l’association Vivo, qui accompagne les victimes de violences sexuelles, Camille Tallet, sage-femme et présidente de l’association Périnée bien aimé, et Florie Fonterme biographe et qui propose des ateliers d’écriture restaurative.

Être une femme c’est de devoir faire des détours sur des chemins plus fréquentés ou plus lumineux le soir.

Ou payer un taxi (et prendre un risque également) ou ne pas sortir, ou éviter certains endroits parce que c’est dangereux la nuit.

Lors de l’Ecofémina festival tu pourras participer à la marche exploratoire écoféministe avec les Arpenteuses Urbaines dans le quartier Saxe-Guillotière, tu mettras des lunettes écoféministes pour observer et expérimenter l’environnement urbain, les zones safe ou pas, en tant que femme, mère avec poussette et enfants en bas âge, personne en fauteuil roulant, malvoyante, mais également en tant qu’arbuste, pigeon et insecte. Parce que la ville est à tous, mais pas adaptée à tous.

Pour s’inscrire à cet atelier capsule rdv ici.

Le dimanche aura lieu l’atelier complémentaire, « Imagine ta ville écoféministe » où tu pourras rêver grand et imaginer les choses les plus incroyables pour rendre la ville plus inclusive, écoféministe, safe et adaptée à tous.

Être une femme, quand tu fais les courses (parce qu’on sait parfaitement que c’est encore en majorité les femmes qui les font) avec un petit budget.
Pour la faire très courte.

C’est devoir faire le choix entre acheter du bio et des produits frais pour préserver la santé de la famille à long terme (et éviter les perturbateurs endocriniens qui vont flinguer notre cycle et notre fertilité), mais ne pas avoir assez d’argent pour finir le mois.

Ou prendre les produits non bios, industriels, transformés, et savoir que cela pourra potentiellement provoquer des maladies à long terme pour ta famille et toi-même.

C’est « Le dilemme du supermarché » comme l’appel Charlotte Soulary dans son livre « Le féminisme pour sauver la planète », elle sera également présente pour la table ronde sur « L’écoféminisme en politique ».

C’est également faire porter la charge morale et la culpabilité sur les femmes et les mères pour prendre soin du foyer et de la planète en adoptant des mesures écologistes.

Mais à quel prix ? Cela coûte de l’argent, prends du temps…certaines dénonce que cette forme d’écologie est passéiste en renvoyant les femmes en cuisine ou à la couture.

La politique des petits gestes renvoyant la culpabilité sur les citoyens (principalement les femmes en charge du foyer et plus sensibles au care et à l’écologie), plutôt que sur les hommes, les politiques et les industriels, qui eux pourtant ont un réel impact sur l’écologie à travers le capitalisme et la surexploitation des ressources et des personnes.

En parlant de politique, il faut d’autant plus de parité et de femmes en politique, mais quitte à avoir des femmes au pouvoir, autant qu’elles soient réveillées sur ces sujets et qu’elles militent pour une politique plus écoféministe.

C’est le sujet de la table ronde sur « L’écoféminisme en politique » animée par Noémie Philippe, qui recevra Marie-Charlotte Garin, la députée écoféministe lyonnaise, Charlotte Soulary autrice du livre « Le féminisme pour sauver la planète » et ex-membre de la direction Europe Ecologiste les Verts, et Alice Mesland-Millet, co-secrétaire d’EELV Lyon.

Être une femme, c’est souffrir de douleurs menstruelles chaque mois.

Mais devoir les cacher au monde pour ne pas passer pour « faible ». Et puis « après tout ces douleurs sont dans ma tête, comme m’a dit le médecin. »

C’est devoir bourrer ton corps de cachets chimiques qui ne font que nourrir ce cercle vicieux.
Pour certaines c’est devoir renoncer à leurs ambitions professionnelles ou démissionner parce que l’entreprise ne tolère pas leurs absences dues à leurs douleurs.

Et voir que le congé menstruel est encore un débat, parce que c’est inégalitaire envers les hommes (qui je le rappelle n’ont pas leurs règles, et bénéficient déjà de nombreux privilèges).

Être une femme c’est prendre la charge d’une pilule contraceptive (ou autre moyen de contraception), avec tout ce que cela implique.

➡️ Un coût financier, parce que toutes les pilules ne sont pas remboursées ou pas entièrement.

➡️ Une charge mentale, de penser à la prendre chaque jour à la même heure. Penser à la racheter chaque mois.

➡️ Un coût pour la santé avec une liste d’effets secondaires interminables (on se rappelle de la trend sur les réseaux sociaux que certaines se faisaient des robes avec la notice de leur pilule tellement cette liste était grande) et qui peuvent avoir des effets indésirables à court, moyen et long terme.

Tout ça alors que nous sommes fertiles seulement 24h dans un cycle… Par précaution on parle de 4-5 jours de fenêtre de fertilité…

Mais notre ovule est déjà mort lorsqu’il arrive dans notre utérus.

Les hommes eux sont fertiles H24 pendant presque toute leur vie… Et leurs spermatozoïdes peuvent survivre 4-5 jours dans notre fabuleuse glaire cervicale, d’où la fenêtre de fertilité…

« La nature est résiliente et peut se régénérer, si on lui laisse le temps de le faire. C’est seulement une question de priorités »

« Meuf Green » de Déborah Lopès.

Cette phrase peut s’appliquer pour tellement de domaines…

Ralentir et lever le pied de ce système fou, pour laisser le temps à tous de se régénérer.

Changer notre façon de travailler, en apprenant à ralentir et lever le pied. En travaillant autrement de façon plus slow, flexible et écoféministe.

L’économie sociale et solidaire est majoritairement féminine, pourtant tout le monde devrait s’emparer du sujet et choisir d’entreprendre de façon écologique, sociale et solidaire.

Ce sujet sera également exploré lors de l’Ecofémina, avec une table ronde sur « L’ESS une économie féminisée ? » qui sera animée par Déborah Glohr, l’autre co-fondatrice du festival et fondatrice du Cocon Solidaire. Elle accueillera Clémentine Mossé, fondatrice de Greener Good et du Greener festival, Fanny Viry de l’association Anciela et de l’Institut Transitions et Marion Azevedo, mémorante sur l’écoféminisme et membre de la CRESS.

Nous pourrions également faire le parallèle avec le cycle menstruel et le potentiel besoin de repos ou de ralentir des personnes menstruées, mais je ne vais pas m’étaler sur ce sujet puisque je vais l’explorer dans d’autres articles.

Bref je vais m’arrêter là pour aujourd’hui, parce que le sujet est trop vaste. Et encore je n’ai pas parlé du racisme, âgisme, validisme, grossophobie, homophobie, etc… qui sont d’autant plus marqués pour les femmes. Le dernier sujet de l’abaya, ou comment on politise, on impose et domine encore le corps des femmes et leurs tenues.

Bravo et merci d’avoir lu jusqu’ici.

Et toi quel est ton avis sur ces sujets ? Je suis curieuse d’avoir ta vision. Est-ce que ça t’a donné envie de venir à l’Ecofémina festival ?

Si oui, rendez-vous le dimanche 5 novembre à la Maison pour tous des Rancy, à Lyon.

Imaginons de nouveaux futurs écoféministes avec l’Ecofémina festival

La 2ème édition de l’Ecofémina festival cette année, sera sur le thème « Féminismes, corps et pouvoirs ».
Comment on se réapproprie notre corps ? Notre voix ? Notre territoire ? Notre pouvoir d’achat ? La politique ? Notre avenir ? Grâce à l’écoféminisme.

Avec des tables rondes et des ateliers animés par des personnalités inspirantes pour s’inspirer, réfléchir, débattre, expérimenter, et passer à l’action.

Rendez-vous le dimanche 5 novembre à la Maison pour Tous des Rancy, à Lyon, de 11h à 17h.

Tu peux rejoindre l’équipe bénévole. En amont du festival pour le pôle communication, et pour le jour J, le dimanche 5 novembre à Lyon. Merci à toi

Je rejoins la team 💜­

Pour partager :

3 réflexions sur “Ecoféminisme et écologie menstruelle, même combat ?”

  1. Bonjour cela fait un petit moment que je suis vos actions en faveur du féminisme sur Lyon. Je trouve que ce que vous faites est génial. Un grand bravo à toutes.

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